Dans le cadre de l'exposition collective Hospitalités au site abbatial de Saint Maurice à Clohars-Carnoët, j'ai été amené à réaliser un ensemble de sculptures nommé Soustractions.

Cette pièce prend la forme de 6 cubes en bitume noir de 35 x 35 cm, répartis dans tout le parc du site ababtial. Les cubes sont insérés dans un mur, un arbre, de la terre ou encore une souche. Parallèlement un des bâtiments du site abbatial accueille 6 autres cubes reprenant le contenu des cubes noirs. Ainsi, on peut retrouver les 6 contenus alignés dans l'espace d'exposition.

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Comme une sorte de carottage (technique de prélèvement scientifique) cette pièce présente alors 6 soustractions réunies dans l'exposition et symbolisées dans le parc par les blocs en bitume noir.

En marge de l'exposition, un catalogue a été édité, laissant la place aux explications de chaque artiste à propos de se pièce. Voici mon texte :

Soustractions est un symptôme. Symptôme de la manière dont l’être humain tente désespérément de collecter la nature ou de la maîtriser. Dans son ignorance ou son émerveillement pour elle, il l’abîme, sans même parfois en prendre conscience. De manière presque parodique, cette pièce reproduit une technique scientifique (le carottage) afin de présenter des échantillons du site abbatial de Saint-Maurice. Mais ces prélèvements laissent derrière eux des traces indélébiles. Sortes de cicatrices créées par l’Homme, elles interrogent la confrontation entre la nature et les matériaux artificiels.

Nous voulons protéger, préserver, conserver la nature parce que nous la trouvons belle. Alors nous la transformons, nous manipulons son ADN, nous l’ajustons à nos propres valeurs, nous créons des jardins artificiels : les plantes sont modifiées pour correspondre au mieux à nos règles abstraites. Le jardinier qui déverse du RoundUp dans son jardin se rend-il seulement compte de la violence de son acte envers la faune et la flore ? Il s’agit d’un amour vache, un amour à sens unique : la nature est étrangère aux notions d’esthétique.

Autant admiratif que curieux, l’humain ne sait jamais comment réagir face à des phénomènes naturels qu’il ne comprend pas. Alors, à la manière d’un collectionneur il prélève, récupère, emprunte, parfois en déséquilibrant l’écosystème, mais ne s’en rend pas compte. Si tenté qu’il y ait un sens (spirituel ou technique) au phénomène de la vie sur Terre, il est à parier que l’être humain aura bien des difficultés à le comprendre un jour. Mais il le cherche continuellement et c’est cela qui rend la science aussi fascinante.

Fascinants, c’est ce que sont les cubes de Soustraction. Le bitume crée une profondeur infinie dans sa couleur mate. Comme un trou noir, comme une pupille qui semble nous observer, chaque cube qui vient soustraire un pan de la nature crée quelque chose d’énigmatique. Comme le monolithe de 2001, il questionne autant qu’il inquiète. La forme cubique, aboutissement de la géométrie humaine, finit d’installer le contraste avec l’environnement : Dieu ne trace pas de lignes droites.

Multilocalisée, Soustraction s’appréhende en deux temps : par le cheminement du spectateur, sa confrontation à des pansements du sol, du végétal et du bâti mais également dans un autre lieu, avec l’exposé des extractions, comme une tentative maladroite de démonstration de ce que l’homme désire préserver. Il ne s’agit donc pas une pièce scientifique mais d’une œuvre de science-fiction : elle interroge le rapport entre l’homme et la nature en insérant un élément fictif. Le sens de cette pièce ne réside pas dans ce qu’elle est, mais dans ce qu’elle projette, ce qu’elle chuchote implicitement. Soustraction pose la question, sans fournir de réponse, de la curiosité humaine et de ses conséquences.