30déc.2014
Ex-voto
C'est dans le cadre des Nuits de Lucie à Pont-Scorff, que notre association a obtenu une carte blanche pour réaliser un ensemble d’œuvres sur le thème « La société des lumières » dans 3 chapelles de la commune.
Parmi les différentes chapelles, j'ai particulièrement été attiré par l'une d'entre elles : la chapelle de Lesbin et ses deux ex-voto relativement impressionnants. Si la pratique de l'ex-voto marin n'est pas spécifique à la Bretagne, c'est malgré tout une région qui compte un nombre très important de sculptures de bateaux installées dans des églises ou chapelles. Les bretons sont des voyageurs et des marins, c'est donc relativement normal que leurs icônes se tournent vers la mémoire de marins ou bateaux disparus en mer.
S'il n'était donc pas surprenant de trouver ainsi deux bateaux dans une chapelle, leur taille mais surtout leur emplacement (alignés mais placés juste à l'entrée) suggéraient la possibilité d'en accrocher un troisième. Il me fallait donc en ajouter un autre...
L'année 2014 a été une année passionnante pour la conquête spatiale. Des évènements majeurs comme l'odyssée de Rosetta et l'atterrissage de Philae, les découvertes surprenantes de Curiosity sur Mars ou encore l'arrivée de projets ambitieux de colonisations de la planète rouge (Mars One entre autres) ont réveillé de nouveau l'intérêt du grand public pour le(s) monde(s) au dessus de nos têtes. C'est l'émergence du projet Mars One qui a sans doute été le plus intriguant pour moi, imaginez : un projet de voyage sur Mars pour l'homme en 2025, avec un aller simple seulement. L'impossibilité de revenir sur Terre pour ces nouveaux colons n'a pas empêché 200 000 personnes de se porter candidates à ce projet.
Elon Musk, le célèbre entrepreneur et PDG de Space X, commentait cette mission de la manière suivante : « Il s'agit de prendre tout l'argent que vous avez et vendre tout ce que vous possédez, comme l'ont fait les premiers pionniers des colonies américaines ». Les premiers colons d'Amérique avaient tout quitté et traversaient l'océan avec pratiquement rien pour se retrouver sur un continent dont ils ne connaissaient que peu de choses. Le parallèle avec notre époque est évident : les nouveaux conquérants, ce sont les astronautes, à la recherche d'un El-dorado dont on sait que l'existence est utopique.
La station MIR (paix ou monde en russe) était l'icône idéale pour compléter le panel d'ex-voto de la chapelle : initialement mise en orbite pour une durée de 5 ans, elle aura tourné autour de la Terre durant 15 années avant d'être précipitée dans l'atmosphère en 2001. Sorte de bateau qui aurait sombré, MIR reste aujourd'hui encore la station qui aura démarré la présence permanente de l'homme dans l'espace (la Station Spatiale Internationale a pris le relais depuis).
Réalisée en bois de Tilleul, le plus gros de la structure de l'ex-voto a été tournée avec l'aide de Cédric Guillermo, artiste plasticien. Les modules ont été réalisés pour s'emboiter de telle sorte que l'ensemble de la station peut être démonté ou ré-assemblé en quelques minutes. Pour l'exposition, la chapelle baignait dans une ambiance lumineuse de lumière noire (lumière violette qui fait ressortir certains éléments fluorescents ou blancs). La station a donc été peinte avec une peinture invisible mais qui réagit à la lumière noire.
Au départ, la station devait être accompagnée d'une projection au plafond. L'image diffusée correspondait à une carte du réseau Internet, représenté par toutes les connexions entre chaque ordinateur. Sorte de constellation, elle remettait d'avantage en situation l'ex-voto, tout en soulignant un autre univers dont l'exploration a décuplé ces dernières années : le partage de la connaissance et l'accès à l'information de manière permanente et immédiate.
Pour des raisons techniques (pollution lumineuse et surtout la projection révélait le plafond, cassant l'immersion dans la chapelle noire), cette installation a été écartée au tout dernier moment (deux jours avant le vernissage de l'exposition).
C'est un aspect important mais difficile dans ce genre de travail : remettre en cause certains aspects d'un projet demande parfois de faire deuil d'une partie entière de ce dernier.
Au final, installée dans la chapelle, mise en lumière et au milieu des pièces réalisées par les autres artistes, la sculpture prend tout son sens et s'intègre dans le prolongement des deux autres ex-voto.
Pour terminer, je tiens tout particulier à remercier deux personnes sans qui je n'aurais jamais pu réaliser ce projet. Jonas Delhaye pour avoir su me motiver à réaliser cet ex-voto dans les meilleures conditions et Cédric Guillermo pour le tournage sur bois des sections.